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Trauma, transmission et narrativité 

Vous trouverez ci-dessous, quelques notions théoriques à partir des mes travaux de recherches en Master 2 mention « Psychopathologie Clinique Psychanalytique et Interculturelle » sur le thème de Trauma, transmission et narrativité à l’aide du dessin libre.  

-La notion de psychotraumatisme :

Le courant psychanalytique, fondé par Sigmund Freud, explique que le psychotraumatisme advient lors d’un événement vécu apportant dans la vie psychique un surcroît d’excitations que sa suppression ou son assimilation par les voies normales ne peut s’accomplir, pouvant amener répétitivement la personne à de réactions émotionnelles anciennes.

Une autre façon d’aborder le psychotraumatisme est par la prise en compte des symptômes associés, nommé État de stress post-traumatique (ESPT). Il s’impose par des réminiscences (pensées, images, cauchemars… autour de l’évènement), une sidération psychique (l’incapacité à penser, à bouger…), des angoisses… 

On répertorie d’autres types de traumatismes comme « le traumatisme intellectuel » ou traumatisme du « non-sens » dont le modèle a été fourni par Bateson et l’école de Palo-Alto dans leur définition du double-bind (double-contrainte).

Puis Tobie Nathan (1), psychologue et professeur émérite de psychologie à l’université Paris-VIII et Marie Rose Moro,(2), pédopsychiatre,vont décrire le traumatisme migratoire, sorte « d’éjection de son enveloppe culturelle » comme la perte du cadre culturel interne à partir duquel était décodée la réalité extérieure.

Ainsi, le traumatisme peut se vivre comme une rupture dans le cours des choses, une rupture dans la continuité des échanges, des relations et dans le temps…

-La notion de transmission psychique au sein de la famille :

Dans les cas de secret de famille, traumatisme ou de deuil non fait, les auteurs, Nicolas Abraham et Maria Torok (3), pensent que ce vécu peut être transmis d’une génération à une autre. 

Serge Tisseron (4), psychiatre et docteur en psychologie, démontre par ses nombreux travaux comment les petits enfants porteurs des secrets, sorte de pacte familial, peuvent développer des troubles dénués de sens (troubles psychotiques, toxicomanie…). 

Evelyn Granjon (5), pédopsychiatre, distingue deux processus avec des contenus de cet héritage psychique dit intergénérationnel ou transgénérationnel : Le premier processus est constitué de vécus psychiques élaborés, suffisamment représentés (c’est-à-dire, suffisamment pensés, verbalisés, intégrés) et symbolisés (histoires, romans, légendes et mythes familiales) ; le second est constitué d’éléments bruts, non élaborés (événements traumatiques, secrets, deuils non faits…).

-La notion de Transmission dans le lien mère-enfant et dans les interactions

Winnicott (6), pédiatre et psychanalyste d’enfant, a développé le concept de « préoccupation maternelle primaire » pour décrire l’état de la mère dès la fin de sa grossesse et dans les premiers temps qui suivent la naissance. Il met en évidence l’importance des soins maternels par l’identification de la mère à son bébé, base première de sa structuration qui lui donne le sentiment continu d’exister. Cet état de « maladie normale » augmente sa disponibilité et son attention pour être en capacité d’assurer des soins « suffisamment bons » en étant convenablement à l’écoute pour pouvoir adapter ses réponses en fonction des besoins du bébé.

Il est commun de penser la transmission de manière descendante, la part active de

l’enfant est aussi à prendre en compte, c’est-à-dire qu’il s’approprie son héritage selon son environnement et ses expériences. L’enfant, source d’évolution, transmet aussi aux parents ouverts à la nouveauté. Pour Elisabeth Darchis (7), psychologue et psychanalyste, ses travaux sur la clinique familiale en périnatalité parlent de la naissance comme un temps fort de transmission dans la famille, particulièrement sensible aux réaménagements générationnels.

Serge Tisseron (8), parle de la transmission d’images entre générations. L’enfant tenterait de symboliser le vécu traumatique non élaboré, non exprimé par les parents par le biais de quatre modes différents : 

Le mode sensori-affectivo-moteur (comportements, émotions, sensations…); Le langage phonétique;  Le langage verbal et les images matérielles (objets concrets…). 

L’enfant pourrait « voir » les images qui habitent le psychisme des parents par un des modes de perception sans avoir eu besoin de passer par les mots.

-La notion de narrativité et de mise en récit

Le philosophe Paul Ricoeur (9) nous parle d’identité narrative, le sujet en racontant sa propre histoire s’inscrit dans le temps (passé, présent et futur) et structure sa pensée ainsi que son propre soi. Il a besoin de recul pour raconter son histoire, le vécu et les événements doivent être passés par un processus d’élaboration, de symbolisation et de reconstruction. Ricoeur précise que tout le monde ne peut pas se raconter, comme par exemple dans le vécu de la migration potentiellement traumatique (Nathan (1)), il se peut que le récit migratoire et/ou familial appartenant au pays d’origine soit inaccessible.

 

-La notion de résilience 

Marie Anaut (10), psychologue et professeur en psychologie et science de l’éducation, qualifie la résilience comme un processus multifactoriel issu de l’interaction entre l’individu et son environnement. La résilience « se révèle face à des stress importants et/ou cumulés, face à des traumatismes ou des contextes à valeur traumatique ». La résilience n’est pas acquise une fois pour toutes, mais en constant développement.

 

-La notion d’imaginaire dans le potentiel créatif de l’enfant :

Le jeu, la créativité et l’imaginaire de l’enfant constituerait une protection contre le

trauma. Pour Henni-Juillard & Mazoyer (11), psychologues cliniciennes, « l’imaginaire et le refuge dans la rêverie peuvent donner le courage de transformer la réalité… L’imaginaire est essentiel au développement de la pensée symbolique et de la créativité. Il agit comme contenant psychique pour soutenir un Moi-Peau (enveloppe psychique) défaillant. L’enfant joue pour transformer ses sensations en représentations (pensées ou images structurantes) ». Mais l’imaginaire « peut aussi devenir une fuite, un refuge qui coupe le sujet drastiquement de l’extérieur, s’il est utilisé de façon rigide ».

Bibliographie

  1. Nathan, T. (1986). La folie des autres. Traité d’ethnopsychiatrie clinique. Paris : Dunod.
  2. Moro, M. R. (1994). Parents en exil. Psychopathologie et migration. Malesherbes : PUF
  3. Abraham, N., & Torok, M. (2012). L’écorce et le noyau. Flammarion.
  4. Tisseron, S. (1995). Les images psychiques entre les générations. In Le psychisme à l’épreuve des générations : Clinique du fantôme. pp. 123–144. Paris: Dunod.
  5. Granjon, E. (2016). Jouer en thérapie familiale psychanalytique : objets bruts, objets de relation, objets médiateurs. Dialogue, 213, 25-40. https://doi-org.gorgone.univtoulouse.fr/10.3917/dia.213.0025
  6. Winnicott, D. W., Monod, C., & Pontalis, J.-B. (2002). Jeu et réalité : L’espace potentiel. Gallimard.
  7. Darchis, É. (2018). Le silence générationnel dans les familles et ses effets en périnatalité. Connexions, 109(1), 123-135. https://doi.org/10.3917/ cnx.109.0123
  8. Tisseron, S. (2019). Les secrets de famille. Presses universitaires de France.
  9. Ricoeur, P. (2015). Soi-même comme un autre. éditions du Seuil.
  10. Anaut, M. (2005). Le concept de résilience et ses applications cliniques. Recherche en soins infirmiers, 82, 4-11. https://doi.org/10.3917/rsi.082.0004
  11. Henni-Juillard, A. & Mazoyer, A. (2014). Expression de la mentalisation et de l’imaginaire chez l’enfant victime d’un trauma. Enfances & Psy, 63, 145-155. https://doi.org/10.3917/ep.063.0145